Un internet fermé du fait de ses terminaux

Depuis novembre 2015, le règlement européen 2015/2120 garantit le droit des citoyens à un accès internet ouvert, c’est-à-dire de pouvoir accéder librement à tout contenu présent sur internet et, en retour, de pouvoir diffuser sur internet tout le contenu qu’il souhaite. En octobre 2016, à la suite de l’adoption de ce règlement, la loi pour une République numérique a inscrit dans le cadre juridique national le principe de neutralité d’internet et confié à l’Arcep un pouvoir d’enquête et de sanction afin d’en assurer le respect. Si la majorité des dispositions du règlement sur l’internet ouvert concernent les obligations des fournisseurs d’accès à internet, pour l’Arcep, la chaîne d’accès à internet ne s’arrête pas aux réseaux d’accès : d’autres intermédiaires ont le pouvoir de limiter la capacité des utilisateurs à accéder à certains contenus et services sur internet. C’est le cas des terminaux (smartphones, tablettes, ordinateurs, etc.), contrôlés par un nombre réduit d’acteurs économiques, ainsi que de leurs systèmes d’exploitation et magasins d’applications. Autrement dit, la liberté de choix de l’utilisateur vis-à-vis des contenus, services et applications sur internet n’est aujourd’hui garantie qu’au niveau du réseau et non du terminal. L’internet ouvert ne constitue un droit que sur un maillon de l’expérience utilisateur. Cette approche partielle de la neutralité du net est pointée de longue date par l’Autorité. Dans ses premiers travaux de réflexion sur la neutralité d’internet, notamment dans son rapport publié en 2010, l’Arcep suggérait déjà un renforcement de la surveillance de la neutralité au niveau des terminaux et de leur couche logicielle. Les développements législatifs qui ont suivi cette période d’observation, au niveau national puis au niveau européen, ont abouti à un cadre légal centré sur la neutralité au niveau des réseaux. Aujourd’hui, le cadre légal de la neutralité au niveau des réseaux étant posé grâce au règlement européen sur l’internet ouvert, l’Arcep appelle à se pencher sérieusement sur la question de l’influence des terminaux sur l’ouverture d’internet. Le règlement établit en son article 3, paragraphe 1, une liberté de choix du terminal d’accès par l’utilisateur, suggérant ainsi qu’en dissociant le terminal de l’offre d’accès et du FAI, la concurrence sur le marché des terminaux permet d’écarter l’équipement terminal de la tentation de la limitation des usages. Les constats tirés des travaux de l’Arcep sur l’influence des terminaux permettent d’établir que cette possibilité de choisir son terminal n’a pas suffi à éviter toute forme de limitation dans l’accès aux contenus pour l’utilisateur final.